mardi 8 février 2011

Texte de base


Grigori TOMSKI
TANGRA : Religion naturelle pour l’avenir
© Editions du JIPTO, 2012


Introduction


Nous percevons une religion comme un ensemble des croyances individuelles qui sont compatibles.
En effet, la grande majorité des Français de 18 ans et plus estiment que « de nos jours, chacun doit définir lui-même sa religion indépendamment des Eglises », seulement 16% d’eux sont d’accord avec la proposition : « Il n’y a qu’une seule religion qui soit vraie » (Jean-Paul Willaime, Sociologie des Religions, Paris, PUF, 1995, p. 101-102). Ainsi l’individualisation est un des traits les plus marquants des nouvelles manières de croire. 
Chaque personne pensante aura bientôt son propre système de croyance. Les gens avec les systèmes proches se réuniront dans les mouvement religieux, nouveaux ou modernisés.
Dans ce texte nous discutons l’idée de la création d’un grand mouvement international sur la base du tanrgisme moderne basé sur les idées du développement de ses forces vitales et de sa créativité afin de contribuer à l’amélioration de la qualité de vie pour tous. Nous l’avons discuté avec plusieurs spécialistes dans le domaine de tangrisme de Kazakhstan, de Turquie, de Yakoutie et de Tatarstan (Auezkhan Kodar, Nelia Tazeeva, Dzavdet Suleymanov, Alexey Tomski, Sultan Birgül Arslan et  autres). Ainsi nous exprimons un point de vue collectif.


Tangrisme classique


Sur les monuments, érigés au VIII siècle sur les bords de la rivière Orkhon, les souverains des Turcs de la Sibérie et de la Mongolie se déclarent : « semblable à Tengri et issu de Tengri ». Loin à l’Ouest, les guides expliquent aux touristes visitant les ruines de Choumen, la première capitale de la Bulgarie : « Ce sont les fondations d’un temple de Tangra »... 
Le nom turco-mongol du Dieu est Tangra (Tanra, Tangara, Tengri, Tengeri). L’interprétation classique de la religion tangrienne (tengrienne) a été monothéiste. Ses dogmes n’était pas nombreux ce qui faisait cette religion compatible avec toutes les grandes religions.
Après la victoire contre le khan Torghril, son redoutable concurrent, Gengis Khan a déclaré : « C’est avec l’aide et la protection de l’Eternel Tengri que j’ai vaincu les Kereyit et atteint le rang suprême. » Son petit-fils Hülegü a écrit à Saint Louis, roi de France : « Dieu s’est adressé à notre aïeul, Gengis Khan, son fils. »  
Il y a plusieurs lettres des khans mongols qui parlent de leur religion. Voici, par exemple, un extrait de la lettre du Grand khan Güyük au pape romain Innocent IV datée du 11 novembre de 1246 :
 « Dans la force de Dieu, depuis le levant jusqu’au ponant, tous les territoires nous ont été octroyés. Sauf par ordre de Dieu, comment quelqu’un pourrait-il rien faire ? A présent, vous devez dire d’un cœur sincère : nous serons vos sujets, nous vous donnerons notre force. Toi, en personne, à la tête des rois, tous ensemble sans exception, venez nous offrir service et hommage. A ce moment-là, nous connaîtrons votre soumission. Et si vous n’observez pas l’ordre de Dieu et contrevenez à nos ordre, nous vous saurons nos ennemis. »
Guillaume de Rubrouck cite la lettre du Grand khan Monka à Saint Louis, écrite en 1254 : 
« Voici le précepte du Dieu éternel. Au ciel, il n’y a qu’un seul Dieu éternel et, sur la terre, il n’y a qu’un seul maître, Gengis Khan … Lorsque par la puissance du Ciel éternel, du lever du soleil jusqu’à son couchant, le monde entier sera uni dans la joie et la paix, alors apparaîtra ce que nous aurons à faire. »
Il était témoin d’une déclaration intéressante de Monka : 
« Nous autres Mongols, nous croyons qu’il n’y a qu’un seul Dieu par qui nous vivons et par qui nous mourrons et nous avons envers lui un cœur droit … Mais comme Dieu a donné à la main plusieurs doigts, de même il a donné aux hommes plusieurs voies. »
Ces documents montrent qu’à l’époque de l’Empire mongol l’interprétation monothéiste de la religion tangraïste était dominante. Cette religion servait à l’idée de l’union des peuples « dans la joie et la paix »!
Dans le gouvernement de Gengis Khan nous trouvons des «conseillers ouigours comme T’a-t’-a-t’ong-a, musulmans comme Mahmoûd Yalawâtch, k’i-tan comme Ye-liu Tch’ou-ts’ai.» (Grousset, L’Empire des steppes, p. 314). Kubilaï, le plus connu de ses successeurs, se posait «en souverain universel, aimé de tous les peuples réunis sous sa bannière» (Morris Rossabi, Kubilaï Khan, Perrin, 1991, p. 237). 
Odoric de Pordenone, célèbre missionnaire catholique du XIV siècle, rend hommage à l’administration mongole dans les termes suivants:
« Le fait que tant de races différentes puissent cohabiter paisiblement et être administrées par le même pouvoir me semble une des plus grandes merveilles du monde.» ( R. Grousset, L’Empire des steppes, Payot, 1965, p. 387 ).
Méditons sur ces documents. Nous voyons que le tangrisme classique a été fondé sur les trois idées : 
Tolérance exemplaire, exprimée de façon suivante : «Comme Dieu a donné à la main plusieurs doigts, de même il a donné aux hommes plusieurs voies vers le Dieu unique».
Désir du Paix universel qui est souhaité dans les termes :  «Par la puissance du Ciel éternel, du lever du soleil jusqu’à son couchant, le monde entier sera uni dans la joie et la paix».
Idée d’un Gouvernement mondial exprimée par les mots : « Il n’y a qu’un seul Dieu dans le ciel et, sur la terre, il ne doit être qu’un seul maître».
L’Humanité n’essaye qu’aujourd’hui de réaliser ces grandes idées, étonnement modernes, avec les tentatives de la réconciliation des différentes religions, le soutien des mouvements pacifistes, la création de l’ONU et des autres organisations internationales gouvernementales. 
On peut interpréter ces trois idée comme Credo du tangrisme classique, c’est-à-dire un système de ses dogmes principaux enregistrés officiellement. Rappelons que le Credo musulman se traduit en français «Je témoigne qu’il n’y a de vraie divinité que Dieu et que Mohamed est son messager». Le Credo qui résume la foi chrétienne, par exemple, dans sa version éthiopienne est : « Je crois en un seul Dieu, le Père, souverain de toutes choses, et en un seul Fils, le Seigneur Jésus Christ, et au Saint-Esprit, et enl a résurrection de la chair, et en une saint Eglise catholique».
Les Mongols continuaient de respecter les anciennes traditions des peuples des steppes. René Grousset souligne dans son livre L’empire des steppes  (Payot, 1965) : 
« Hun, Turc ou Mongol, l’homme de la steppe, le brachycéphale à la grosse tête, au torse puissant, court sur jambes, le nomade toujours en selle … n’a guère varié à travers quinze siècles de razzias au détriment des civilisations sédentaires (p. 119). 
Jean-Paul Roux note dans son livre La religion des Turcs et des Mongols (Payot, 1984) : « C’est un singulier contraste que celui qui existe entre l’importance historique des peuples altaïque et le peu d’études qui ont été consacré à leurs conceptions religieuses » (p. 45).
En effet, les dimensions des empires des steppes impressionnent. Certains pensent qu’ils ne pouvaient pas être gouvernés efficacement. Mais l’Empire russe qui ne connaissait aucun nouveau moyen de transport par rapport aux Mongols était aussi géant.
Les Turcs d’Altaï moins d’un siècle après Attila ont fondé un grand empire. Leur ancêtres étaient dans le premier empire hun, fondé par Modoun. Les souverains turcs ont attesté sur leurs inscriptions que leur pouvoir vient de Tangra (Tengri). Cette utilisation du nom de Tangra pour la légitimation du pouvoir suprême montre que la foi tangrienne était depuis déjà longtemps une religion traditionnelle et reconnue des peuples et des tribus de cet immense empire.   Ainsi il n’y aucun  doute qu’ Attila et ses Huns croyaient aussi à Tangra.
En effet, la religion tangrienne a servi longtemps à la consolidation des peuples des steppes. Citons encore Jean-Paul Roux : 
 « C’était l’idée forte des Turcs et des Mongols, celle qui sera répétée pendant quelque deux mille ans des Hiong-nou aux Ottomans. Avec quelques variantes dans la forme, dix fois, cent fois on relira cette phrase : « Comme il n’y a qu’un seul Dieu dans le ciel, il ne doit y avoir qu’un seul souverain sur la terre » … Cela coûterait cher. Une génération serait sacrifiée. Mais le résultat en vaudrait la peine s’ils n’y avait plus de guerres » (Histoire de l’Empire mongol, p. 242).
Ayant ces grandes idées  les cavaliers des steppes éprouvaient le sentiment de supériorité  sur les piétons. D’ailleurs chez les Romains aussi les chevaliers formaient une aristocratie comme en Europe au Moyen Age. Les cavaliers romains jouissaient depuis toujours d’une estime particulière et de privilèges. Un cavalier a été considéré comme supérieur au centurion de l’infanterie. 
Les Huns n’aiment pas marcher à pied même sur de courtes distances. Un guerrier, dont le cheval est tué, est considéré comme perdu. Un cavalier des steppes doit disposer normalement de trois montures pour sa remonte, l’expression un «cavalier avec un seul cheval» exprime un grand mépris. Un chevalier, qui se respecte, doit avoir un superbe cheval de sept ans. Seulement les pauvres montent des chevaux plus jeunes. De même, la perte provisoire de son cheval porte atteinte à la dignité de l’homme. Un homme doit voyager en selle, le déplacement dans un chariot est dévalorisant pour lui. Quand des cavaliers se rencontrent, celui qui descend de son cheval montre par cette action la reconnaissance de la supériorité de l’autre, soit par son âge ou d’une autre sorte.
Une religion qui est née il y a au moins 2200 ans, qui a été répandue sur une grande partie de l’Eurasie pendant plus de 1500 ans, peut être légitimement classée parmi les grandes religions :  « Qu’on n’oublie pas que ces hommes dont le berceau et l’aire habituelle de mouvance se situent dans les forêts et dans des steppes en marge des terres de haute civilisation ont été appelés maintes fois à jouer un rôle politique et culturel essentiel dans l’histoire de l’Eurasie, la détruisant et la reconstruisant, lui fournissant des rois, lui insufflant de nouvelles forces vives puisées dans leur sauvage retraite. On doit s’attendre à ce que leur religion se place au même niveau que leur action. » (Roux, La religion des Turcs et des Mongols, Payot, 1984, p. 284).


Compatibilité avec les grandes religions


L’Eglise orthodoxe a décidé, dans la traduction de la littérature chrétienne en langue sakha, d’identifier Tangra (les Sakhas prononcent souvent « Tangara ») avec Dieu. Au Kazakhstan Allah est identifié avec Tangry, en Turquie et au Azerbaïdjan avec Tanri. Nous choisissons Tangra ou Tangri qui est proche à tous ces noms. 
Très tôt, l’art militaire des cavaliers des steppes a atteint un niveau très élevé. Ensuite, il s’est développé lentement à cause de cette performance. Nous observons le même phénomène par rapport à la religion tangrienne. En effet, la religion tangrienne a servi plus de 1500 ans l’idée de l’unité des peuples des steppes et même l’idée de la création de l’Empire universel. 
La complication de ses dogmes et leur fixation étaient impossibles à cause de la trop large diffusion de cette religion. A la différence, par exemple, de la religion chrétienne, où  les dirigeants des différentes Eglises imposent leurs interprétations des dogmes et luttent contre le non-conformisme, la religion tangrienne n’a été basée que sur les principes généraux reconnus pratiquement par tous les peuples turco-mongols. La fixation rigide des dogmes aurait pu empêcher les tentatives permanentes de réunir ces peuples autour des chefs ou les peuples ayant reçu les signes de bienveillance de Tangra, convainquant pour les habitants des steppes.
Evidemment, pendant les périodes du morcellement, les différents peuples et tribus commençaient à interpréter à leur manière la religion tangrienne.  Certaines tribus passaient, sous l’influence de leur voisins païens, à l’interprétation polythéiste. Mais quand un nouvel empire naissait, l’idéologie dominante essayait de renforcer l’interprétation monothéiste de la religion tangrienne.  
On peut penser qu’on le faisait consciemment et pas seulement dans le but de renforcer le pouvoir des khans puissants mais aussi pour une meilleur compatibilité de la religion d’Etat avec les religions des peuples soumis.  
Jean-Paul Roux note : 
« L’insoumission, les offenses faites au Kaghan (empereur) sont autant d’insoumission, d’offenses à Dieu. La guerre sainte de Tengri et de son Kaghan n’est pas dogmatique. Elle est seulement dirigée contre l’anarchie des steppes, contre les chefferies, contre le totémisme, plus encore contre la multiplicité des pouvoirs qui imposent une vision polythéiste. Elle repond à un profond désir de l’unité, à une volonté de paix universelle. » (La religion …, p. 113). 
Tangra  est identifié souvent avec le Ciel éternel qui est son principal symbole. «Tangra n’est que le dieu du ciel c’est le dieu grand comme le ciel, c’est à dire, c’est un principe abstrait situé hors de la Réalité» (Auezkhan Kodar). 
Les Turco-Mongols pensaient qu’ils croyaient au même Dieu que les chrétiens, les musulmans, les juifs et que toutes les religions sont les différentes voies qui mènent au même Dieu, unique et tout puissant.
Ils s’étonnaient des disputes et conflits religieux violents chez les peuples sédentaires. Nous lisons dans une lettre, reçue en 1248 par le roi de France d’un représentant du Grand Khan en Iran :
« Le roi du monde ordonne qu’il ne doit avoir, de par la volonté de Dieu, nulle différence entre Latin, Grec, Arménien, nestorien, jacobite et tous qui honorent la Croix : ils ne font en effet qu’un à nos yeux. » (Roux, Histoire de l’Empire mongol, p. 316).  
Les khans acceptaient volontiers les paroles et les argumentations des représentants de toutes les religions :
« Hethum raconte que Mongka recut le baptême en sa présence. Djuzdjani affirme qu’à la demande de Berke il récita la shahadda (profession de foi musulmane) qui, dite devant témoin, vaut acte d’adhésion à l’islamisme. C’était dans les habitudes des princes mongols que de faire croire à chacun de leurs interlocuteurs qu’ils avaient embrassé leur religion. » (Roux, p. 349).
Quand la confrontation entre les représentants des différentes religions devenait trop forte, le pouvoir organisait des discussions et les colloques afin d’entendre toutes les opinions et prendre les décisions nécessaires pour  calmer les esprits. Ainsi, en 1258, le Grand Khan Mongka a chargé son frère Khubilaï d’organiser un grand colloque avec la participation de 300 religieux bouddhistes et 200 taoïstes.  
Guillaume de Rubrouck, qui a participé à un colloque théologique à Karakorum, en 1254, témoigne de son organisation :
« Nous nous réunîmes donc, la veille de la Pentecôte, dans notre oratoire et Mangou-chan (Mongka) envoya trois secrétaires comme arbitres : un chrétien, un sarrasin et un tuin. Il fut proclamé : « Voici l’ordre de Mangou, et personne n’ose dire que le commandement de Dieu en diffère. Il ordonne que personne n’ose prononcer des paroles agressives ou injurieuses envers autrui, ni susciter un tumulte qui empêche cette entreprise, sous peine de mort. »
Tous se turent. Il y avait là beaucoup de monde. Car chaque partie avait convoqué les plus savants des siens, et beaucoup d’autres avaient afflué. » ( G.  Rubrouck, Voyage dans l’Empire mongol, Imprimerie National, 1993, p. 183-184 ).
Ce colloque s’est terminé par un banquet :
« Quant tout fut terminé, les nestoriens et pareillement les sarrasins chantèrent à voix haute, les tuines se taisent. Ensuite tous burent copieusement.» (Rubrouck, p. 186).
La conversion des autres religions, fortement canonisées, à la religion tangrienne était bien sûr difficile. Mais la plupart des adeptes de ces religions trouvaient facilement les arguments pour justifier la coexistence pacifique de leur religion avec la religion tangrienne. Ainsi, un certain Baha al-Din a expliqué  à Khubilaï pourquoi les musulmans ne tuaient pas les Mongols : 
« Il est vrai que Dieu nous commande de tuer les infidèles, mais on désigne par ce nom ceux qui ne connaissent pas un être supérieur, et, comme vous mettez le nom de Dieu en tête de vos ordonnances, vous ne pouvez pas être rangés parmi eux. » (Roux, Histoire de l’Empire mongol,  p. 397).


Dieu et Tangra


Les religions monothéistes s’accordent sur le fait que toute représentation plus précise de l’Être suprême ou de Dieu ne saurait être proposée par la philosophie.  Ainsi Nikolaï Tchamerevski, théologien orthodoxe, déclare : « L’impossibilité de donner une définition de Dieu est liée au fait que nous, les hommes, sommes les êtres finis et bornés. La formulation d’une telle définition signifierait la compréhension d’une substance divine infinie par des méthodes finies. » Thomas d’Aquin pensait que :
« En dernier ressort, tout ce que l’homme sait de Dieu, ce qu’il ne le connaît pas, car il sait ce que Dieu surpasse tout ce que nous pouvons comprendre de lui. » (De Potentia, Question 7, art. 5, ad. 14).
Ayant servi longtemps la Science, je n’aime pas des explications sans démonstrations convaincantes des différents domaines de la Mystique. Mais chacun a le droit de croire à une explication ou tenir à une conception du monde si sa croyance ou sa foi ne portent pas un préjudice direct aux autres.
La force en physique est définie par son effet. Si un homme sent les effets positifs des forces, des champs et des autres sources inconnues à la science moderne, il a certainement le droit d’appeler un dieu un ensemble des sources de ces effets bénéfiques. On peut appliquer ce raisonnement à l’homme préhistorique et antique, qui divinisait, par exemple, la foudre. 
C’est pourquoi nous proposons de définir Tangra) comme l’ensemble de toutes les  sources, des forces  et des champs  inconnus à la science moderne, capables d’aider l’homme.
Le philosophe Frédéric Lenoir  explique :
« De nombreux croyants s’interrogent sur la signification du mot «Dieu». Le Dieu biblique qui s’emporte, se lamente, change d’avis, se met en colère, affiche ses remords est de moins en moins «croyable», parce que trop humain.»  (F. Lenoir, Les métamorphose de Dieu : La nouvelle spiritualité occidentale, Plon, 2003, p. 323).
« On recherche un Dieu plus mystérieux, plus impersonnel, qui échappe à l’entendement humain. On parlera alors plus volontiers du «divin» comme d’une force ou d’énergie. » (Lenoir, p. 325).
« Toutes les religions du monde, des chamanismes les plus anciens aux grandes religions du salut en passant par l’animisme et les sagesses chinoises, offrent des exemples de croyances, de pratiques ou d’expériences qui postulent l’existence de la pluralité de niveaux de la réalité ...
Cette conviction qu’il existe un ou plusieurs autres niveaux de réalité que le plan sensible - à travers une très grande diversité de croyances ou d’expériences intimes - s’est aujourd’hui échappée du cadre des traditions et continue de faire sens pour un certain nombre d’individus que je qualifierai donc de «religieux». Plus qu’une définition de la religion - que l’on peut encore une fois maintenir dans une perspective sociologique du croire commun - , voilà ce qui me semble être la définition minimale du religieux ... » (Lenoir, p. 232).
Alain Houziaux, docteur en théologie et en philosophie, souligne :
« La genèse de la croyance en Dieu, même pour les hommes d’aujourd’hui, n’est pas intellectuelle : Dieu n’est pas d’abord la Cause première de tout ce qui existe. Elle n’est pas non plus d’ordre psychologique : Dieu n’est pas d’abord la réponse à notre besoin d’être aimé. Elle procède d’une forme de surprise, de crainte et d’interrogation devant les forces qui bouleversent le monde cosmique, animent les hommes et suscitent les événements inattendues. Elle procède d’une forme d’étonnement et aussi de saisissement.
Ainsi, même pour nous, la manière la plus spontanée de définir Dieu, c’est de le définir comme une Puissance. » ( Claude Geffé, André Gounelle, Abd-al-Haqq Guiderdoni,  Alain Houziaux, Dieu, c’est quoi finalement ? Les Editions de l’Atelier / Les Editions Ouvrières, 2005, p. 16).
« Le problème de savoir de quelle manière Dieu «existe» est des plus complexes. En revanche, il est tout à fait possible de considérer Dieu comme une «puissance» qui s’impose à tous les hommes, qu’ils soient croyants ou non.» (Ibid, p. 25).
Notre manière de définir Dieu correspond à ces considérations. 
Etant donné l’infinité de la réalité et les bornes de la conscience, la notion du Dieu comme de l’ensemble de toutes les forces, de tous les champs inconnus et des leurs sources, capables d’aider un homme, est une notion utile et perpétuelle. La Mystique et l’Inconnu resteront toujours infinis et le Savoir scientifique, obtenu avec de si grands efforts, sera toujours fini.   
C’est pourquoi, la Science, qui éclaire par sa lumière un domaine de plus en plus grand de la réalité et accélère son propre progrès, mérite une grande considération. Pour la majorité des hommes la Science en grande partie reste mystique. Les gens croient habituellement les scientifiques, surtout les représentants des sciences exactes et naturelles. 
Les scientifiques, eux-mêmes, ne sont compétents que dans leur domaine de recherche et croient à ce que disent les spécialistes reconnus des autres branches de la Science. Ainsi la Science, elle-même, est fondée sur la foi. 
Prenons l’exemple des Mathématiques, « reine des sciences ». La majorité des gens ont des idées erronées sur cette science et sur les activités mathématiques. Je ne suis pas sûr qu’ils existe plus de dix personnes au monde, capables assez rapidement (en quelques mois) de comprendre ma thèse de docteur d’Etat car les mathématiciens, eux-mêmes, ne sont vraiment compétents que dans leur domaine de recherche. Quand nous utilisons les résultats d’autres domaines des mathématiques, nous trouvons dans les livres ou avec l’aide des spécialistes compétents des résultats intéressants pour nos recherches, nous les vérifions rapidement et les utilisons. 
Dans la majorité des cas les non spécialistes ne peuvent pas vérifier vraiment les démonstrations. C’est pourquoi, nous regardons si une affirmation qui nous intéresse est utilisée souvent par les spécialistes, capables de vérifier sa démonstration. L’existence de plusieurs démonstrations par les méthodes bien différentes d’un même résultat donne la garantie la plus sûre de sa véracité. Alors les mathématiciens, qui n’ont pas le temps de vérifier personnellement une de ces démonstrations ou incapables de l’effectuer, commencent à croire à la véracité d’un tel résultat.
Notons qu’il existe un courant de la pensée mathématique qui ne croit pas à la légitimité de l’utilisation large de l’infinité dans les constructions et les démonstrations mathématiques. Ainsi ces mathématiciens ne croient pas à une partie importante des mathématiques classiques. Mais la majorité des mathématiciens croient à ces résultats et utilisent avec plaisir l’induction transfinie et autres raisonnements utilisant les ensembles et les opérations infinies qui permet d’obtenir de beaux résultats ayant au moins un intérêt théorique certain.
L’Humanité doit se consolider car il ne faut pas oublier les grands dangers : les catastrophes nucléaires, les désastres écologiques, les nouvelles épidémies dévastatrices, les cataclysmes cosmiques. Les nouvelles religions ou les religions profondément modernisées doivent être compatibles avec l’approche scientifique et doivent contribuer au développement de la créativité et de la culture scientifique pour tous, elles doivent contribuer à la cohésion de l’Humanité.


Tangrisme contemporain comme une religion 


Les traditions tangriennes sont bien conservées en Yakoutie, nous trouvons leurs traces au Kazakhstan, en Sibérie du Sud, en Turquie et en Mongolie.
Il n’existe pas une définition, universellement reconnue, de la religion. C’est pourquoi nous discutons ici d’une seule question : peut-on parler aujourd’hui de l’existence du tangrisme sakha (yakoute) ?  
La réponse est pour moi sans aucun doute affirmative. La Fête nationale sakha (Yssyakh) pendant le solstice d’été est la plus grande fête de la Yakoutie. Elle est inaugurée par les chamans blancs qui effectuent les cérémonies tangriennes  avec les prières traditionnelles. 
Fiers de leur métier d’éleveurs de chevaux, les Sakhas restent fidèles à la tradition des « sergués » (poteaux sculptés) auxquels on attache les chevaux. Ces sergués sont érigés dans tout stade de village, dans tout espace à portée emblématique. Ils sont souvent décorés des croix tangriennes et autres symboles traditionnels. On voit ces symboles partout : sur les vêtements, sur la vaisselle et les autres objets de la vie courante.
Avant chaque repas plus ou moins solennel ou le pique-nique près du feu de bois, les Sakhas nourrissent  l’esprit du feu comme les Huns (et les Romains) et récitent souvent une brève prière. On y lance des morceaux de pain, des gouttes de boisson. Son rôle vaut au maître du feu une place centrale dans le culte des esprits. Une offrande à lui s’adresse à tous et à chacun : il est personnalisé en tant que maître, porteur d’offrandes à tous les autres esprits protecteurs. Les rites et les coutumes populaires liés à cette conception du monde ont survécu à toutes les épreuves. 
Les Sakhas aiment rencontrer le lever du Soleil au sommet d’une montagne ou dans un autre endroit sacré. Les Sakhas pensaient qu’il existe des esprits protecteurs de la nature comme Baïanaï qui protège les forêts. Ces esprits ont des liens étroits avec Tangra ; la dégradation de l’environnement est considérée comme un péché qui entraîne des sanctions.
En 1996, la République Sakha (Yakoutie) a créé le Système des Hauts Lieux Sacrés (Ytyk Kere Sirder) - des réserves naturelles nationales. Ce système comprend les 6 parcs naturels nationaux, les 60 réserves de ressources, les 25 paysages protégés et de nombreux sites naturels nationaux. La Yakoutie a ainsi abordé le troisième millénaire en plaçant plus de 700 000 km2, environ 25% de son territoire, sous le régime des Hauts Lieux Sacrés.
Malgré tous ces faits, beaucoup de gens pensent que le tangrisme sakha n’est pas une vraie religion car il n’y a pas les attributs habituels: icônes, statues des divinités et des saints, temples et livres sacrés.  
Jean-Paul Roux explique bien l’absence des images et des statues du Dieu : 
« Il me semble que les altaïques ont dû, sur ce point, comme sur maints autres, partager l’avis des Germains, qui, selon Tacite, estimaient « qu’enfermer Dieu dans une image était contraire à la grandeur céleste » (Religion … , p. 232). 
Les temples sont absents car on les érige principalement pour abriter les objets religieux. En 1222, Gengis Khan, en passant par Boukhara, s’est fait expliquer l’islam par des ulémas. Il a été d’accord avec la foi en Dieu unique et sans égal, a approuvé le rôle d’intermédiaire de Prophète et la pratique des cinq prières par jour. « Mais à propos du hadjdj (le pèlerinage à La Mecque), il dit : « L’univers entier est la maison de Dieu, à quoi bon désigner un lieu particulier pour s’y rendre ? » »  (Roux, Histoire de l’Empire mongol, p. 216).  
En 1219,  avant la guerre contre l’Empire du Kharezm, Gengis Khan monta sur une haute montagne et communiqua pendant trois jours dans son esprit avec Tangra. En 1241, avant d’engager la bataille décisive contre les Hongrois, Batu Khan, comme le faisait son grand-père, se retira sur une hauteur pendant vingt-quatre heures pour invoquer le Ciel.
En ce qui concerne les livres religieux, la Bible est considérée actuellement comme un livre de mythes sur la création du monde et sur l’histoire du peuple juif, l’Evangile décrit la vie du Christ :
« Aux yeux du scientifique, les « textes sacrés » sont des récits mythiques qui ont incorporé des légendes, des récits mais aussi des connaissances de l’époque où ils ont été écrits. Comme leur rédaction, en particulier pour la Bible, s’est étendue sur une période très longue, les « vérités » révélées sont parfois contradictoires d’un chapitre à un autre. » ( C. Allègre, Dieu face à la science, Fayard, p. 228 ).
Les Turco-Mongols avaient l’esprit pratique et critique, étaient des hommes d’action. Les spécialistes s’étonnent de la construction très logique de leurs langues. Ils ne s’intéressaient pas beaucoup aux mythes sur la création du monde par Dieu : 
« Son action est conçue comme indirecte plus que directe. C’est ce qui est émané de Lui qui intervient de façon continuelle et, notamment, le souverain investi d’une grand partie de Sa puissance ; ne pouvant agir qu’en accord avec Lui. J’ai déjà dit que Son pouvoir créateur n’avait pas éveillé beaucoup d’intérêt. » (Roux, Religion …, p. 117).
Par ce rapport, un œuvre épique L’histoire secrète des Mongols qui raconte la vie de Gengis Khan et l’histoire mythique de ses ancêtres peut être considérée comme une œuvre religieuse, au moins par les Sakha car Gengis Khan est une de leurs divinités. Il faut y ajouter « La Yassa de Gengis Khan ». Le code moral des peuples des steppes et leurs histoires mythiques sont exposés aussi dans les épopées héroïques des Sakhas et des autres peuples turco-mongols.
En Yakoutie, sont édités plusieurs recueils de prières et de bénédictions tangristes. Il existe aussi une littérature scientifique tangrienne consacrée aux aspects pédagogiques et moraux de cette religion.    
C’est vrai que les dogmes de la religion tangrienne ne sont pas strictement fixés, mais ce n’est pas nécessaire aux Sakhas d’aujourd’hui comme ça n’était pas nécessaire à ceux d’hier.
Nous expliquons l’interprétation polythéiste de la religion tangrienne, propre à beaucoup de Sakhas, par l’influence des peuples autochtones du Grand Nord. 
 La notion du Dieu comme de l’ensemble de toutes les forces, de tous les champs inconnus et des leurs sources, capables d’aider un homme, est compatible avec tous les autres perceptions, par exemple, du Dieu comme du Créateur. On peut aussi détacher de cet ensemble universel des sous-ensembles de forces, de champs inconnus et de leurs sources, capables d’aider un homme dans certaines de ses activités et les nommer par les noms des divinités (des anges, des esprits, etc.) traditionnelles. Ainsi nous levons la contradiction qui existe à première vue entre les interprétations monothéiste («impériale»  d’après A.Kodar) et polythéiste du tangrisme.  


Tangrisme islamisé en Turquie


Ce paragraphe est consacré à un bref exposé des résultats de recherches d’Irène Mélikoff, professeur émérite des Universités, sur les traces du tangrisme dans le Bektachisme et l’Alevisme en Turquie. Elle écrit dans la préface de son livre Au banquet des quarante : Exploration au cœur du Bektachisme-Alevisme (Istanbul, Isis, 2001) :
« Le Bektachisme, de même que l’Alevisme ne sont pas tant des religions que des faits sociaux. C’est un attachement à un mode de vie qui était au départ tribal. C’est avant toute chose, le respect de croyances et de traditions ancestrales.
En tant que tel, il contient en lui toutes les différentes croyances inhérentes aux peuples turcs depuis leur origine, ainsi que des adstrats provenant d’échange d’influences. » (p. 5).
Ces « deux courants parallèles dont les différences sont historiques et sociales plutôt que religieuses » (Mélikoff, p. 24) remontent au même saint populaire : Hadji Bektach qui vivait au XIII siècle. L’Alevisme s’est surtout développé dans les steppes anatoliennes, le Bektachisme s’est répandu surtout en Thrace et dans les Balkans. L’Ordre des Bektachis fut le plus important des ordres populaires dans l’Empire Ottoman. Il était étroitement lié au corps des Janissaires. 
« Etant originairement nomades ou semi-nomades, les coutumes des Alevis étaient différentes de celle de citadins : dans leurs villages, il n’avait pas de mosquée et ils ne pratiquaient pas les règles extérieures de la religion musulmane. Ils ne faisaient pas les cinq prières quotidiennes, ne tenaient pas le jeûne de Ramadan, ne respectaient pas l’interdit des boisson alcoolisées, leur femmes ne se voilaient pas, elles assistaient aux assemblées, assises aux côté des hommes. Les Alevis sont en général monogames. » (Mélikoff, Au banquet des quarante, p. 26).
« Les anciens Turcs et Mongols croyaient au Dieu-Ciel, Gök-Tengri… 
Tengri est Dieu suprême. Il peut se manifester au travers des signes cosmiques : foudre, inondation, tremblement de terre, sécheresse. Mais il reste toujours éloigné des malheurs des hommes…
Les dieux uraniens sont distants et passifs. Ils laissent donc leur place à des divinités qui sont plus proches de la réalité de la vie.
Le soleil, parce qu’il est le Principe de la vie, est plus proche des hommes…
Dans le contexte islamique, la divinisation du soleil prend la forme d’Ali, Shah-i Merdan, le Roi des Hommes. Pourtant Ali en tant que divinité solaire, apparaît comme le denier stade d’une évolution complexe : entre la divinité solaire et le dieu représenté sous forme humaine, il y eu un long chemin à franchir, et bien des influences différentes.
Lorsque j’ai entendu pour la première fois le nefes (psaume) du poète Kizilbash Dervish Ali :
C’est lui qui créa la terre, le ciel, le monde,
Le trône céleste, je ne connais d’autre dieu qu’Ali !
Je fus profondément troublée. C’était si différent de tout ce que j’avais appris sur la Turquie et l’islam turc. Je tentai de comprendre la raison pour laquelle les Bektashis adoraient Ali comme un dieu alors qu’ils n’étaient ni chiites duodécimains, ni ismaéliens.
Ce qui me frappa en premier fut qu’ils n’employaient pas le nom « Allah » mais celui du dieu suprême des anciens Turc, Tengri, en turc moderne, Tanri - comme si l’emploi de « Allah » semblait être blasphématoire alors que Tengri ne l’était pas.
Je compris rapidement qu’Ali était une divinité solaire. Dans les villages d’Anatolie centrale, il est identifié au soleil levant et on prie à ce moment. Ali a pour symboles des animaux solaires : le lion, la grue communément identifié au phénix, et le bélier. » (Mélikoff, Au banquet des quarante, p. 90-91).
Dans son autre livre Sur les traces du soufisme turc : Recherches sur l’islam populaire en Anatolie (Istanbul, Isis, 1992) Irène Mélikoff écrit :
« Nous avons vu que les croyances des Bektachis-Alevis reposent sur la croyance de la réincarnation... Ceci serait peut-être dû à un substrat du Bouddisme qui était très répandu parmi les Turcs Uyghurs et qui a persisté en Anatolie, à l’époque sedjoucide : par exemple la célèbre famille Ertena était bouddiste.
Il y a aussi la croyance à la manifestation de Dieu sous forme humaine. A l’époque musulmane, Dieu se manifeste sous forme de Ali. Mais Ali peut, à son tour, se manifester sous l’apparence de prophètes ou de saints …
Si l’on essaie d’approfondir le phénomène d’Ali, on voit que c’est une divinité solaire. Il est identifié au soleil levant et prié à l’apparition de l’astre. Et ceci nous ramène à Dieu-Ciel (Gök-Tengri) des Anciens Türks.
Je signalerai un fait éloquent : les Alevis utilisent le nom Tengri ou Tangri, de préférence à Allah qu’ils semblent éviter… »   (Mélikoff, Sur les traces du soufisme turc, p. 23).


Commandements tangriens


L’épopée héroïque sakha (olonkho) est considérée comme la plus archaïque des épopées des peuples des steppes.   Elle donne l’idée de la mentalité et des valeurs morales de la population de la Grande steppe de l’époque tangrienne. Citons les extraits commentés d’olonkho et des autres épopées turco-mongoles :
«Ceux pour qui le mot «ma patrie» n’est qu’un son, pour qui les steppes natales ne sont pas plus chères que les champs fertiles des pays étrangers, ne sont pas de vrais batyrs, chevaliers des steppes !»
«Pour un homme, il est honteux de mourir vieux dans son lit d’une maladie banale. Quelques gouttes de sang pour la patrie, un petit tas de matière pour la terre, voilà la mort digne d’un vrai chevalier !»
Les batailles des chevaliers sont réglementées même dans le cas où l’adversaire est un monstre. On prévient de l’attaque, on demande aux vaincus leurs derniers vœux, on gracie les adversaires nobles. 
Les idéaux de la noblesse, de la gloire sont prioritaires pour les héros, ils pensent aussi à leur prestige posthume pour les générations futures, ce qui est très important pour eux. La renommée et le prestige sont les valeurs les plus importantes pour tous les personnages, ce qui est exprimé par une formule de triomphe que les vainqueurs adressent souvent à leurs adversaires :
«J’ai abaissé ton nom glorieux, ton visage blanc est sali, ta gloire est diminuée !»
Même les monstres préfèrent mourir, plutôt que s’humilier devant les vainqueurs et perdre ainsi leur prestige. 
Le poème épique est rempli de scènes de poursuite et d'exploits fantastiques des chevaliers nobles. Le récit se termine par le mariage du héros principal, sa noce qui est en même temps la fête de la victoire. La chamane divine les bénit : 
«Que les récompenses et les châtiments soient distribués, que les massacres soient terminés, et que le destin noir s’éloigne. Vivez dans la paix pour avoir un bétail fécond, pour construire des berceaux à vos enfants.»
Les héros d’olonkho sont les défenseurs de leur pays, qui rêvent d’une vie heureuse et paisible, on ne voit aucun agressivité. Cette épopée enseigne les idéaux d’honneur chevaleresque, de courage, de maîtrise de soi, de respect des femmes.  
Le professeur Iosiph Portniaguin analyse dans son livre Ethnopédagogie  « Kut-Sur » (Мoscou, Аcademia, 1999) la pédagogie traditionnelle populaire des Sakhas. Le but de l’éducation, selon lui, n’est pas de détruire en l’enfant le sentiment du sacré, mais de le purifier, de l’élever. Vu la conservation de la spiritualité et des rites tangristes en Yakoutie, il recommande d’utiliser dans l’éducation son code moral qu’il formule dans les termes suivants (p. 26) :
- sois toujours honnête et juste ; 
- ne tue point, ne détruit pas, ne casse jamais; 
- sois propre et organisé ;
- ne sois pas envieux, ne vole pas ;
- ne sois pas un contestateur stérile ;
- rejette des mauvaises habitudes, respecte les faibles ; 
- sois sage dans tes actions ;
- sois persévérant, n’aie pas peur des difficultés ;
- sois fidèle, généreux et cordial, ne te corromps pas.
Gengis Khan est considéré par les Sakhas avec Odoun Khan comme deux divinités du destin humain. On dit : « Par le décret d’Odoun Khan, par le loi de Gengis Khan » (« Odoun Khan ouragynan, Tchingys Khan yïaagynan »). Le mot « yïag » ou « yïakh » ressemble au mot « yassak » ou « yassa ». On peut dire que les héros des épopées sakhas respectaient le Yassa de Gengis Khan ! 
Le code des lois gengiskhanides, le yassak, parfois transcrit yassa, promulgué en 1219, codifie «des traditions, des lois et des interdits, souvent millénaires, des peuples de la steppe »  (Jean-Paul Roux, Histoire de l’Empire mongol, p.144).  Ces lois exigeait l’exécution pour le vol important, le mensonge, l’adultère, la corruption, l’escroquerie. 
 Les Mongols considéraient « que les ordres du khan étaient ceux de Dieu même, et ils ne manquaient pas en effet de dire parfois : « Le commandement de Tengri l’Eternel a été donné à Gengis Khan » (Roux, p. 143).
Le prince Nikolaï Troubetskoï dans son livre L’héritage de Gengis Khan  (Moscou, 1999) écrit :  
« Gengis Khan était un grand conquérant mais aussi un grand organisateur. Etant un grand homme d’Etat, il ne se bornait pas à des tâches courantes, mais il appliquait ses idées et ses principes qui composaient un système harmonieux…
Gengis Khan avait des exigences morales par rapport à ses subordonnés : des hauts dignitaires et des chefs de guerre supérieurs aux simples guerriers.  Il appréciait beaucoup et encourageait la fidélité, le dévouement et le courage ; les défauts qu’il méprisait profondément étaient la trahison et la lâcheté … après chaque victoire sur un roi ou un autre souverain, le grand conquérant donnait l’ordre d’exécuter les dignitaires et les courtisans qui avaient trahi leur maître …  Et au contraire, après la conquête d’un nouveau royaume ou d’une principauté, Gengis Khan récompensait et approchait à lui tous ceux qui restaient fidèles à l’ancien maître de ce pays, malgré une situation désespérée et dangereuse. Car la fidélité et la fermeté de ces hommes montraient leur appartenance au type psychologique sur lequel Gengis Khan voulait fonder son système étatique.  Pour les hommes de ce type psychologique, apprécié par Gengis Khan, leur honneur et leur dignité sont plus importants que leur sécurité et leur richesse. » 
Le Yassa de Gengis Khan était considéré par les peuples turco-mongols « à l’égal d’un livre saint et avait pour eux une valeur religieuse » (Roux, p. 144). On continuait de le respecter longtemps après la mort de Gengis Khan comme les commandements divins. Ainsi les Sakhas continuent aujourd’hui de vénérer l’eau et le feu comme l’exige le Yassa et on ne peut pas s’étonner que Gengis Khan a été divinisé dans leur religion.  
Mais qu’a été Odoun Khan, un autre saint de la religion tangraïste ? Je crois que c’est Modoun Khan, premier empereur hun et premier codificateur des traditions et des lois des peuples des steppes. Nous croyons à ce point de vue mais nous ne demandons à personne d’y croire. Mais nous sommes persuadés sincèrement que cette interprétation est correcte.
La religion tangrienne continue à assumer en Yakoutie la fonction de guide moral : éclaire la conscience sur le bien et le mal, indique des règles de vie en société, propose à la personne un projet d’accomplissement, oriente l’action. Son enseignement donne la possibilité, quelles que soient les convictions personnelles des élèves, de reconnaître et d’apprécier l’héritage culturel et spirituel de leur peuple. Elle crée, comme les autres religions, une communauté de pensée, de célébration, d’engagement et d’action ; elle permet de se sentir partie d’une grande famille ce qui est important pour le bien-être personnel. 


Qualité de la vie et créativité


Chaque individu tente d’améliorer la qualité de sa vie, mais on le comprend de façon bien différente. Sous l’influence de la famille, du système éducatif et des proches, des médias, l’individu définit ses valeurs morales et intellectuelles, élabore une méthode d’évaluation de la qualité de sa vie. Bien sûr, il est impossible de mesurer le bien-être général par un indicateur, par exemple le produit intérieur brut (PIB). En effet, cet indicateur évalue le niveau d’activité économique ce qui ne reflète pas nécessairement le niveau de vie. Pour évaluer la qualité de la vie il faut tenir compte de plusieurs paramètres, en particulier :
- la richesse immatérielle ;
- le bien-être économique ;
- la qualité de l’environnement ;
- l’état de santé et l’espérance de vie ;
- la qualité de la vie sociale ;
- la stabilité politique ;
- le niveau de sécurité, etc.
La protection et l’amélioration de l’environnement, l’augmentation de la richesse immatérielle, la garantie d’un niveau convenable de bien-être économique, la stabilité politique, le niveau suffisant de sécurité
sont les composantes importantes de la qualité de la vie pour tous. On peut intégrer tous les droits fondamentaux de l’homme dans le droit à la qualité de la vie. 
La richesse immatérielle comprend le savoir-faire et le savoir-vivre personnels, la créativité, etc. Les Sakhas se tiennent à leur religion traditionnelle car elle leur aide à améliorer leur qualité de la vie en contribuant à l’augmentation de leur richesse immatérielle, à la qualité de leur vie sociale. 
La priorité accordée à la meilleure façon d’acquérir ou de générer cette ressource précieuse qu’est la richesse immatérielle, ne peut plus être considérée comme un idéalisme à l’époque où le savoir (qui inclut des notions telles que l’imagination, les valeurs, les images, la motivation, autant que les compétences techniques en tant que telles) joue un rôle de plus en plus central dans la vie économique et politique.
Le savoir et l’information ne diminuent pas si on les partage avec les autres. On peut ainsi transmettre le savoir-faire à ceux qui en ont besoin. Plusieurs personnes peuvent utiliser le même savoir et, ce faisant, ils ont une base de plus pour produire un supplément de savoir. Le savoir est par nature inépuisable et non exclusif, il est un multiplicateur de la richesse et de la force. Même les plus faibles et les plus pauvres peuvent l’acquérir. Le savoir sert à convaincre et même à transformer. Il permet de reconnaître et contourner les mauvaises situations, évitant, par là, le gaspillage de la force et de la richesse. 
Les convictions positives et les savoirs de l’ordre de la culture générale se diffusent facilement et contribuent à l’amélioration des composantes essentielles de la qualité de la vie telles que la qualité de l’environnement, la stabilité politique et le niveau de la sécurité de la population. 
Une forme moderne de la créativité est la choix d’une matrice religieuse pour l’élaboration sur cette base d’un système de croyances et de convictions individuelles. Quel sont les arguments en faveur au choix du tangrisme modernisé en qualité d’une telle matrice ?
C’est surtout la grande liberté pour la créativité et pour l’expression de son individualité. On ne connaît pas beaucoup de détails sur le culte tangrien, nous savons que les rites n’étaient pas codifiés et unifiés comme dans les autres religions monothéistes. Ce minimalisme est très commode pour un homme moderne qui ne doit pas perdre beaucoup du temps pour l’élaboration de ses croyances personnelles et se plonger dans les études de systèmes religieux et philosophique compliqués et archaïques. Il doit libérer son cerveau et son énergie pour les activités créatives positives et utiles pour sa qualité de la vie. Il est souhaitable qu’il ne complique pas sa vie par l’adoption des rites et des coutumes bizarres et gênants pour les autres.
Pour les peuples de la Grande steppe et leurs descendants l'initiation au tangrisme donne le sentiment du retour aux sources de leur culture. L’épanouissement de la culture originale des peuples des steppes, l’apogée de leur expansion militaire et politique, la reconnaissance mondiale de leur rôle et de puissance correspondent à l’époque du tangrisme classique de Modoun et Attila à Gengis Khan et ses petits fils. C’est pourquoi on peut assimiler avec la culture tangrienne traditionnelle  toute la culture classique de la Grande steppe avec son magnifique art du «style animalier», les grandes épopées héroïques, la technologie militaire développée et l’art de guerre en avance sur son temps.  
 Les Européens verront que le tangrisme  est étonnamment proche de la «religion naturelle» de leurs grands philosophes qui se limitait à la croyance en l’Etre suprême et en une éthique universelle. Mais à la différence du culte de la Raison de la révolution française le tangrisme a des traditions historiques réelles. C’est difficile à croire mais cette religion encore peu connue déclarait :  «Il y a plusieurs voies vers le Dieu unique» et  « Comme il n’y a qu’un seul Dieu dans le ciel, il ne doit y avoir qu’un seul maître sur la terre afin de cesser les guerres». 
Pour ceux qui s’intéressent de l’existence et de la survie d’une âme ou des âmes d’un homme, la possibilité du passage de son âme ou de ses âmes après sa mort dans les autres mondes (par exemple, au paradis ou en enfer) la religion tangrienne dans notre interprétation «matricielle» n’est pas suffisante. Nous considérons la question de l’existence de l’âme et des esprits comme un problème scientifique et ne sommes pas pressés d’adopter un point de vue avant l’avancement des recherches dans ce domaine. 
Nous admettons que dans un certain sens la Science peut même résoudre un jour le problème de l’immortalité de l’âme. Les cellules d’un organisme changent et se transforment de façon permanente. On peut définir  l’âme comme l’ensemble des valeurs, du savoir, des compétences et des capacités créatives d’une personne. 
 Le savoir d’un homme se garde avec le succès croissant depuis l’apparition des langues, puis de l’invention de l’écriture, de l’imprimerie. La création de l’informatique et son développement accéléré donne de grandes possibilités et des perspectives infinies. Les valeurs peuvent être formulées assez bien au moins pour les personnes qui n’ont pas honte ni de leurs conceptions, ni de leurs buts. Quand une personne se cache derrière un ou plusieurs masques, comme on fait si fréquemment sur l’Internet, l’hypocrisie diminue considérablement l’intérêt pour son âme.  Le plus grand intérêt pour moi présente la composante créative de l’âme. Comment il serait agréable se communiquer avec les âmes de Léonard de Vinci, de Pouchkine ou des autres génies créatifs.  
Il existe des groupes d’intellectuels qui méditent sur le concept traditionnel tangriste de l’existence de trois âmes (« kut ») chez un homme. Leurs efforts se heurtent en Yakoutie sur la résistance de l’église orthodoxe qui veut que les rites tangraïste restent un phénomène purement culturel et redoute la renaissance du « paganisme ». Cette confrontation est aggravée malheureusement par l’interprétation polythéiste du tangrisme qui est fréquente car beaucoup de Sakhas ne connaissent pas bien l’histoire des peuples turco-mongols et, par conséquence, l’interprétation classique monothéiste de leur religion traditionnelle.
L’autre voie consiste dans l’adoption d’une grande religion plus canonisée. Vu l’environnement russe des Sakhas, c’est plus souvent la religion chrétienne, mais parfois l’islam, le bouddisme, le bahaïsme, etc. Ces conversions sont rares mais elles ne sont pas difficiles car le Dieu dans la traduction de tous les textes sacrés est identifié avec Tangra. Ainsi un Sakha de n’importe quelle confession peut rester tangriste. Cela signifie simplement qu’il continuera à suivre les rites et les gestes, devenus automatiques chez tout Sakha : nourrir le feu, participer aux rites de la rencontre du Soleil, bénir les amis et projeter sur eux les pensées et les paroles positives. Les courtes prières qui accompagnent ces rites peuvent être chrétiennes, musulmanes ou bouddhistes ... Un tangraïste reste toujours plus tolérant aux croyances des autres ce qui correspond aux tendances générales du développement des religions.
Le rituel religieux se présente souvent, comme un moyen de donner un caractère solennel aux actes importants qui jalonnent l’existence. Ni l’adhésion aux croyances ni une appartenance confessionnelle n’en sont plus la raison nécessaire: c’est bien la cérémonie elle-même qui est porteuse de sens. 
Frédéric Lenoir, philosophe et sociologue des religions, dans son livre Les métamorphoses de Dieu : La nouvelle spiritualité occidentale (Plon, 2003) note que la religion peut également contribuer aux autres composantes de la qualité de la vie :
« Le discours sur les fins dernières - le paradis, l’enfer, le purgatoire - s’est quasiment éteint dans la prédication des clercs au profit d’un discours sur les bienfaits de la foi et le bonheur qu’il y a sur cette terre, pour soi-même et pour les autres, à accueillir l’amour de Dieu... Dans le monde protestant, cette tendance n’a fait que s’accentuer, et les nombreux groupes évangéliques ou pentecôtistes qui essaiment partout à travers le monde évoquent la réussite matérielle comme gage et signe du progrès spirituel... Il en va même pour la santé. La guérison des maux physiques est mise en avant comme un signe du salut, et les pentecôtistes protestants autant que les catholiques mettent les pratiques de guérison au coeur de leur pratiques. » (Lenoir, p. 58).
Nous pensons que l’avenir peut appartenir aux religions qui assument une fonction scientifique et sont compatibles avec une vision scientifique du monde, qui contribuent de façon efficace à l’augmentation de la richesse immatérielle des personnes qui les pratiquent. 


Credo du tangrisme


Nous proposons de formuler le Credo du tangrisme moderne dans les termes suivants compatibles avec sa formulation classique :  «Il y a plusieurs voies vers le Dieu unique et la foi de chaque personne doit améliorer sa qualité de vie sans nuire aux autres. Que cette foi contribue au rassemblement des gens de  bonne volonté afin que l’Humanité puisse vivre en harmonie et résoudre tous les problèmes qui surgissent!»
Sans dogmes fixes, sans affirmations difficiles à vérifier, le tangrisme est compatible avec la conception scientifique du monde. En même temps, il est tolérant et ne lutte pas contre les convictions des autres.    
Beaucoup de scientifiques pensent des problèmes qui sont bien formulés par Alejandro Jodorovwsky :
« Nous devons comprendre, même si nous ne le vivons pas, même si nous mourons avant de le voir, que l’homme va peupler les étoiles, qu’il parviendra à vivre aussi longtemps que l’univers – il mérite de vivre autant que lui –, qu’il constituera une conscience globale et sera l’esprit du cosmos. Si nous n’avons pas cet idéal, vivre ne vaut pas la peine. Nous devons peu à peu nous rapprocher de cet idéal. » (Jodorovwsky, Un Evangile pour guérir, Les Editions du Relié, 2002, p. 16).
La participation à ces projets grandioses mérite l’attention des tangristes dont les ancêtres savaient réaliser les grands projets avec les forces modestes à leur disposition. 
Citons un scénario possible de l’avenir de la vie décrit par Hubert Reeves :
« Le physicien résiste mal à la tentation de jouer au prophète. Dans la mesure où les lois de la nature lui permettent de comprendre le passé et le présent, elles peuvent aussi, au moins dans ses grandes lignes, lui dévoiler l’avenir… 
Un mot de prudence avant de commencer. Notre discussion se fait à partir de la science connue à ce jour. Or, rien ne nous autorise à penser que nous avons répertorié toutes les forces naturelles…
Les étoiles durent longtemps, mais pas indéfiniment. Quand elles ont épuisé leur carburant nucléaire, elles meurent. Notre Soleil achèvera sa vie dans cinq milliards d’années environ. D’autres étoiles durent beaucoup plus longtemps. Les plus petites peuvent atteindre un trillion (mille milliards) d’années. Puis elles s’éteignent.
De nouvelles étoiles se forment sans cesse à partir de la matière nébulaire des galaxies. Mais cette matière se raréfie, et le rythme des naissances s’amenuise… 
A leur mort, les étoiles retournent à l’espace une fraction importante des atomes dont elles sont constituées. Mais le cœur de l’étoile s’effondre sur lui‑même, pour former, selon la masse de l’astre, soit une naine blanche, soit une étoile à neutrons, soit un trou noir.
Le nombre de cadavres stellaires s’accroît régulièrement au cours des années. Dans un trillion d’années, le ciel sera faiblement illuminé par des étoiles âgées (naines rouges ou amines blanches), qui s’éteindront lentement parmi les étoiles à neutrons et les trous noirs…
La vie est‑elle destinée à disparaître faute de sources d’énergie, d’information et d’entropie ?
Nos ancêtres lointains vivaient de la chasse, de la pêche et de la cueillette des fruits… A cette époque, située il y a huit ou dix mille ans, l’être humain cesse d’être un prédateur passif de la nature. Il organise lui-même la disponibilité de ses sources d’alimentation. Cette transformation (passage du Paléolithique au Néolithique) permet une augmentation prodigieuse des effectifs humains sur notre planète.
Comme l’homme antique, nous sommes, par rapport au ciel, des prédateurs passifs. Nous nous contentons de recueillir l’énergie et l’information en provenance des objets célestes.
Mais, déjà, notre passage au néolithique céleste est amorcé… 
Les projets ne manquent pas. Certains astéroïdes, qui passent près de la Terre, renferment d’importantes quantités de métaux technologiquement précieux. Les mines terrestres s’épuisent. Détourner ces astéroïdes de leur orbite naturelle.
Les ramener doucement sur notre planète, est un objectif des décennies à venir. Au rythme des progrès technologiques, les difficultés pourraient être rapidement résolues.
D’autres projets ont pour but d’accroître notre butin de photons solaires par des capteurs en orbite. Le vent solaire est l’objet d’une convoitise semblable. Son énergie et ses atomes seraient d’une grande utilité. Comment s’y prendre? Je fais confiance à nos ingénieurs; ils ne manquent pas d’imagination.
De l’imagination, il en faudra dans mille milliards d’années quand les étoiles seront éteintes. Mais nous savons déjà où nous adresser…
 Comme les gardiens des troupeaux antiques, chaque biosphère devra choisir judicieusement la masse des trous noirs à capturer dans le ciel pour les mettre en orbite à distance appropriée.
Il y a encore un problème : en réduisant la masse du trou noir, l’évaporation accroît sa température et l’intensité du flux émis. On peut contrôler le flux en compensant les pertes de masse, c’est‑à‑dire en nourrissant continuellement la bête.
Des étoiles, des planètes, des astéroïdes ramenés vers sa « gueule béante » feront notre affaire. Pour les déchets, c’est la solution écologique idéale. Radioactives ou non, ces matières indésirables disparaîtront de notre habitat pour reparaître,.. sous forme de rayonnement…
« Capturer des étoiles. » « Mettre des trous noirs en orbite. » Voilà, certes, des projets grandioses qui relèvent aujourd’hui de la science-fiction. On les trouve pourtant publiés dans des revues scientifiques sérieuses...
Et ensuite? D’autres menaces se profilent à l’horizon. Dans le cadre des théories d’unification des forces de la physique, on envisage la possibilité de désintégration des nucléons en particules plus légères (électrons, neutrinos, photons) après une période moyenne d’environ 1032 ans. (Les efforts de vérification de cette hypothèse ont jusqu’ici échoué, mais les travaux se poursuivent.) L’intelligence pourrait‑elle encore se manifester dans une matière cosmique dénuée de nucléons ? » (Reeves, L’heure de s’enivrer : L’univers a-t-il un sens ? Seuil, 1986, p. 162-166)
Ainsi l’intelligence peut lutter avec une grande ténacité contre les risques à condition qu’on ne les oublie pas, qu’on mobilise bien ses ressources créatives. Ces perspectives de luttes cosmiques de l’Intelligence avec les forces de destruction, de la création d’une conscience globale sont passionnantes. Nous devons développer notre créativité et des valeurs qui facilitent la coopération avec les autres.  


Méthodes de ressourcement


Tangra est aussi un symbole qui permet de mobiliser nos ressources psychologiques et autres ressources intérieures inconnues. 
Ainsi une courte prière est pour nous un moyen de la mobilisation de mes ressources psychologiques et de mes forces vitales, du « ressourcement » de l’environnement.  
Notons que moins de 28 % des Français déclarent ne jamais prier, et 51 % des citoyens de plus de 65 ans et 36 % des 24-34 ans prient souvent, et certains quotidiennement. Nombreuses personnes pratiquent l’oraison, prière silencieuse, que Thomas d’Aquin décrit comme un «cœur à cœur entre Dieu et l’homme». 
Christian H. Godefroy note : 
«De tout temps, le pouvoir des mots a été reconnu. Pensez seulement à l’importance de la prière dans la plupart des religions. Et que dire, dans les religions orientales, de l’utilisation d’un mantra, base même de toute méditation, un mot que les disciples répètent inlassablement et dont les propriétés ont des vertus surprenantes. L’autosuggestion, la répétition d’une phrase ou d’une formule, est une forme de prière ou de mantra, mais scientifique, d’ailleurs utilisée, comme nous l’avons dit, par de nombreux médecins à travers le monde. En magie aussi, on utilise des formules dont on dit précisément qu’elles sont magiques. » (S’aider soi-même par l’auto-hypnose, 1988, p. 24). 
L’efficacité de la pensée reste sans explication, on parle souvent de l’effet placebo. Le professeur Edouard Zarifian écrit : 
« L’effet placebo, ce n’est pas seulement l’administration d’un objet qui ressemble à un médicament et est appelé placebo ; c’est aussi l’effet de la relation qui se tisse entre deux personnes…
L’effet placebo permet la cicatrisation de 30% des ulcères gastriques, normalise la pression artérielle, fait disparaître des verrues en une nuit, que sais-je encore… Lorsqu’on sait que dans la dépression l’effet placebo peut aller jusqu’à 50 ou 60% et à 40% même dans des mélancolies authentiques, ou que l’effet placebo dans l’anxiété généralisée avec un bon « thérapeute-guérisseur », peut probablement dépasser ces chiffres, on est en droit de se poser des questions. » (Des paradis plein la tête, Odile Jacob, 1994, p. 162-164). 
Frédéric Lenoir  explique :
« Il me semble plus profondément que le retour en force du magico-religieux dans nos sociétés doit d’abord se comprendre comme un désir d’efficacité des pratiques spirituelles. On va utiliser une technique de méditation ou faire tel type de prière parce que «ça marche». Il convient de mentionner dans ce contexte le succès extraordinaire des nombreuses méthodes de «pensée positive», dont la sophrologie est l’expression la plus répandue. Dans un cadre plus magico-religieux on fera appel à des «mantras», à des rituels spécifiques, à des formes de prière ou de méditation devant amener succès ou guérison... Le pragmatisme et le soucis d’efficacité sont omniprésents dans les pratiques religieuses contemporaines. »  (Les métamorphose de Dieu : La nouvelle spiritualité occidentale, Plon, 2003, p. 62-63).


Tangrisme et chamanisme


Le tangrisme était la religion dominante des peuples turco-mongols pendant au moins 1500 ans –  de Modoun aux petits-fils de Gengis Khan, et il a survécu jusqu’à aujourd’hui en Yakoutie. Tandis que le chamanisme existe sur les cinq continents chez tous les peuples avec les systèmes religieux non dogmatisés.
Le terme « un chamaniste » pour l’Européen moyen signifie « un représentant d’un peuple (sous-développé) qui ne confesse aucune des grandes religions ». On pense ainsi que les Indiens d’Amérique, beaucoup d’Africains, les Papous, les Tchouktches et les Sakhas confessent la même religion. Pourtant il existe évidemment une très grande différence entre le chaman Teb-Tenggeri qui a « couronné » Gengis Khan et un sorcier aborigène d’Australie. 
Les «chamans blancs» sont les prêtres tangristes tandis que les chamans ordinaires ne sont que les guérisseurs.  Les chamans doués étaient souvent à la fois des hypnotiseurs, des poètes et des chanteurs, capables dans le costume lourd de quinze kilos de sauter pendant leurs danses à une hauteur d’un mètre et demi, ils pouvaient avaler les charbons ardents, maîtrisaient l’art de prestidigitation, savaient soigner beaucoup de maladies. Et ils étaient nombreux jusqu’à récemment. L’existence d’une telle quantité d’hommes doués m’étonne beaucoup. 
Le chamanisme existait dans les steppes bien avant la fondation du premier empire hun de Modoun. Il était basé sur les croyances animistes et polythéistes. Ces pourquoi les chamans guérisseurs étaient aussi loin de la religion tangrienne comme les sorcières avec qui luttait sans pitié l’Inquisition étaient loin de l’Eglise officielle. 
Il est interessant de comparer les chamans sibériens avec les saints  de Moyen Age en Turquie.  Irène Mélikoff écrit:
« L’expansion de l’islam parmi les tribus turques et leur conversion à la nouvelle foi a été le résultat d’un long processus d’évolution dans lequel les derviches et les marchands ont joué un rôle important… 
 Dans les villes, la culture islamique fut facilement assimilée… Mais dans les campagnes et dans les steppes, les tribus nomades conservèrent leur mode de vie traditionnel… Quand elles se convertirent à l’islam, ce fut sous la forme d’une religion syncrétique que l’on peut décrire comme un « chamanisme islamisé »…
L’aspect extérieur du derviche errant, kalendar ou abdal, différait peu de celui de chaman : tous deux étaient coiffés d’un bonnet fait de plumes d’oiseaux, rappelant le vol magique du chaman, portaient un bâton symbolisant le cheval, et leur tunique était ornée d’amulettes et de clochettes… Egalement, le zikr du soufi populaire n’est pas différent des cérémonies chamaniques destinées à amener l’état de transe. Dans les deux cas, la transe est recherchée dans un but de guérison. » (Mélikoff, Au banquet des quarante, p. 87-88).
« Dans la vie des saints turcs comme Ahmed Yesevi ou Hadji Bektash, on trouve de nombreux récits concernant des miracles, qui contiennent beaucoup d’éléments chamaniques. Par exemple, les saints avaient le pouvoir de se changer en oiseaux et voler. Ahmed Yesevi pouvait prendre l’aspect d’une grue, turna, un oiseau important dans le folklore turc. Quant à Hadji Bektash, il s’envola vers l’Anatolie sous l’espect d’une colombe.
Le symbole de l’oiseau se retrouve dans les rituels des Bektashis : leur danse (sema’), effectuée pendant leurs cérémonies, imite le vol de la grue… 
Les saints peuvent aussi prendre l’aspect d’animaux … » (Mélikoff, Au banquet des quarante, p. 88-89).
La grue (turuya en sakha) est un oiseau sacré des Sakhas. 
Continuons les comparaisons.
« Les saints peuvent également faire bouger les montagnes…   Les saints peuvent ressusciter les morts … Les saints peuvent provoquer la sécheresse ou la pluie à l’aide d’une pierre appelée Yada Tashi. Hadji Bektash change l’avoine en blé et quand le pays manque de sel, il fait apparaître des mines de sel… » (Mélikoff, Au banquet des quarante, p. 89).
Les chamans sakhas pouvaient aussi provoquer la pluie à l’aide d’une pierre appelée Sata Tas qui correspons au  Yada Tashi turc. Les récits sur les miracles chamaniques sont très nombreux.  
Terminons par un extrait sur les saints turcs qui les rapproche des chamans sibériens :
« Hadji Bektash n’était pas très enclin à la prière à la mosquée. Il préférait gravir une montagne avec ses abdals… Les derviches allumaient un feu et tournaient autour quarante fois, accomplissant sema’, danse rituelle. » (Mélikoff, Au banquet des quarante, p. 89).
Les sommets de hautes montagnes suscitent toujours les sentiments élevés, surtout chez les gens qui associent Tangra avec le Ciel éternel.  


Symboles et attributs


Une image vaut dix mille mots, dit le proverbe chinois. Ainsi les symboles religieux peuvent aussi servir au ressourcement de l’esprit et de l’âme.
Les symboles tangristes grâce à leur simplicité et leurs configurations naturelles survivent à toutes les épreuves. 
Je perçois les drapeaux  bleux du Kazakhstan et de la Yakoutie avec le Soleil comme les drapeaux tangriens car on assimilait souvent Tangra au Ciel bleu éternel. Le soleil était l’autre symbole de Tangra. 
Ainsi au Kazakhstan et en Yakoutie les drapeaux tangriens flottent sur les bâtiments administratifs, nous les voyons dans tous les établissements publiques et dans beaucoup d’écoles. On peut comparer ce phénomène à l’image des croix sur les drapeaux de plusieurs états européens ou celui du croissant sur les drapeaux des états musulmans. Notons que les tables traditionnelles sakhas (« sandal ») sont rondes, les chapeaux des femmes étaient décorés par un disque rond en argent.
Le Soleil, la Lune et le Feu font partie des symboles de la Mongolie. Symbole historique de la nation turque, le Croissant  est devenu ensuite l’emblème de l’Islam. Il est significatif que le titre des souverains  huns.
La croix tangrienne ansée est si largement utilisée en Yakoutie comme un ornement que les Sakhas ont oublié son nom. Dans plusieurs langues turco-mongoles, on traduit le mot « croix » par le mot « adja ». Notons que les ennemis des tangraïstes (du peuple du Soleil) dans les épopées sakhas sont designés parfois par le terme « adjaraï » qu’on peut traduire comme « les croisés ». Ainsi on ne peut pas exclure que les ancêtres des Sakhas ont été en conflit avec certains peuples turco-mongols chrétiens de confession nestorienne. De toute façon la croix est l’un des symboles les plus anciens de la religion tangrienne elle-même. Gavril Ksenofontov, un des premiers scientifiques sakhas, pensait que la croix tire son origine de la représentation ornementale de la lumière du soleil ainsi que de Sakh, le Dieu du soleil des anciens Sakas. Actuellement, les croix tangriennees sont gravées sur la porte du Parlement de la Yakoutie
 Les symboles tangristes décorent en Yakoutie les meubles et les vaisselles, les colliers et les autres bijoux, les tapis brodés et les tapis de jeux. 
« En Orient, l’origine nomade du tapis est reconnue. Les peaux de bêtes, puis les nattes recouvrant sol et parois de la yourte traditionnelle pour protéger du froid font peu à peu place aux tapis. Objets de nécessité assurant un meilleur confort dans la tente, les qualités esthétiques des tapis se précisent grâce à l’inspiration créatrice et au don de matérialiser les rêves de celles et ceux qui les produisent. » (Odette Gibaud, Mieux connaître les Tapis, Les Editions de l’Amateur, 1990, p.7).
Ainsi les 24 figures cruciformes occupent la partie centrale du plus ancien tapis noué connu à ce jour, fabriqué il y a 2 500 ans et trouvé dans la tombe d’un chef saka dans le massif montagneux de l’Altaï. 
Notons que la croix chrétienne avait initialement la forme en tau, accréditée par le Christ dérisoire du Palatin, par des sarcophages chrétiens des premiers siècles et par quelques textes patristiques. A partir de l’empereur Constantin la croix se répand largement.  On n’exclut pas une influence des Huns tangraïstes. 
L’étoile à huit branches, appelée «étoile de Gengis Khan» est un des symboles importants du tangrisme.
Beaucoup des Sakhas ont des costumes nationaux qu’ils portent à l’occasions des grandes fêtes. Ils sont ravis de porter des vêtements avec les éléments décoratifs tangristes. Ainsi les boucles et les plaques des ceintures peuvent être ornées des croix tangriennes mais aussi des éléments de l’antique et prestigieux art animalier des steppes. 
La religion tangrienne participe ainsi à la construction d’une identité, ethnique ou nationale car elle constitue un réservoir de signes anciens, originaux et prestigieux. Alors que les pratiques et les croyances religieuses sont en déclin, la majorité des Sakhas continuent à pratiquer les rites tangrtstes et affirment par là leur attachement à leur histoire et à leur culture. Ils préfèrent participer aux moments forts de l’expérience religieuse comme Yssyakh – la fête du solstice. Privilégiant les grands rassemblements qui sont, par la force des choses, spectaculaires, de telles expériences fonctionnent plus sur la base d’une mobilisation affective et émotionnelle que sur celle d’une adhésion à un contenu religieux et mythique. 


Fonction scientifique des religions


Analysons d’abord les réflexions de Claude Allègre sur les relations entre les religions et le développement des sciences :
« En décrivant l’aventure humaine comme une épopée guidée par la main de Dieu, la Bible fait le pont entre les religions qui sont tournées vers le cosmos (et les questions qu’elles posent sur les origines) et celles qui sont tournées vers le comportement de l’homme au sein de la société. Elle offre des réponses aux interrogations portant sur le fonctionnement de la nature, mais plus encore des règles régissant les comportements humains dans la société. Aucune religion n’avait réussi cette synthèse, du moins avec ce degré de précision dans un texte dont, par ailleurs, la qualité épique et littéraire est incontestable.
Partant, la Bible introduit l’histoire, naturelle autant qu’humaine, histoires qui l’une et l’autre ont un sens, un début et sans doute une fin. Fini le temps cyclique des Égyptiens et des Chinois, finie la métempsycose des Indiens, le monde a une histoire et l’homme en est le principal acteur. En cela, la Bible incite l’homme à étudier l’histoire naturelle, de même qu’elle l’incite à étudier  son histoire propre, les deux ne faisant qu’une, l’une prolongeant l’autre. Et tout cela sous forme écrite, donc permanente : tel est le rôle essentiel joué par le Livre. » (Allègre, Dieu face à la science, Fayard, p. 165).
Mais ce sont les Arabes qui, en Occident ont sauvé la science :
« Les Chinois ont observé le ciel, les Grecs et les Hindous aussi. En contact avec tous ces savoirs, les Arabes font la synthèse de tout ce qui est connu puis vont plus loin… Le défi que veulent relever les penseurs arabes est de raviver la science au sens grec du terme tout en respectant la religion : la synthèse entre la foi et la science. » (Allègre, p. 176).
Le véritable essor des sciences en Occident se produit avec la naissance des universités :
« L’institution universitaire ne résulte pas d’une décision d’un roi ou d’un archevêque quelconque, elle est née de l’initiative privée, d’une « libre entreprise » de quelques clercs qui se sont rassemblés pour réfléchir, dialoguer, enseigner… 
La première université est créée à Paris à la fin du XIIe siècle. Viennent ensuite Oxford, Bologne, Montpellier, Cambridge…
Le principal objet d’étude de ces universités est la Bible, les textes sacrés, et, à partir de là, la philosophie … Le texte est la référence, la connaissance est le but ultime. Pour l’Occident, on a à la fois un programme « scientifique » issu de la Bible : comprendre la nature pour se rapprocher de Dieu et un outil : l’Université. » (Allègre, p. 173).
Cette expérience historique est intéressante à l’époque actuelle quand la Science officielle, influencée souvent par les idéologies et par les intérêts commerciaux, se montre incapable d’aborder plusieurs thèmes qui passionnent les gens, par exemple, les phénomènes dits « paranormaux ». Je crois que ces phénomènes ne peuvent être étudiés avec succès qu’avec la participation active des associations et des réseaux des chercheurs passionnés et honnêtes, professionnels et amateurs, qui ne sont pas aveuglés par leurs hypothèses ou croyances. 
En fait, beaucoup de ces réseaux réuniront des gens avec les religions personnelles compatibles et qui respectent les codes moraux identiques ou proches. On peut rendre ainsi la culture scientifique accessible à tous, capable d’apporter le bonheur intellectuel et créatif à un plus grand nombre. 
Le Père Teilhard de Chardin (1881-1995), jésuite, paléontologue, membre de l’Académie des Sciences (Institut de France), pensait que le conflit entre Foi et Science doit se résoudre par synthèse :  en Religion «comme dans la Science, s’accumulent, se corrigent, et peu à peu s’organisent infailliblement, une infinité de recherches humaines.» ( Seuil, T. I, 1955, p. 316).


Mouvement international tangriste 


La renaissance des traditions tangristes donne beaucoup de thèmes pour la créativité et des initiatives utiles. Le credo du tangrisme contemporain est acceptable pour tous car il appelle les gens se rassembler afin de chercher des solutions de problèmes communs en respectant le principe : «Vos croyances personnelles doivent contribuer à l’amélioration de votre qualité de la vie sans porter préjudice aux autres».      
Les grands scientifiques et les personnalités créatives des peuples de la Grande steppe et de leurs descendants ainsi que les organisateurs talentueux des grandes manifestations seront les meneurs du mouvement international tangriste. 
Les événements de l’histoire des peuples des steppes, qui bouleversaient le monde pendant des sciècles, donnent la grande liberté à la créativité littéraire, artistique et cinématographique. Afin de faciliter la création des oeuvres véridiques, les recherches historiques objectives seront réalisées. 
Les courtes prières et bénédiction tangristes renforceront les forces vitales et contribueront à la protection de la santé. C’est  un domaine de la créativité qui attend les poètes, les musiciens et les chanteurs. Les danses guerrières jouaient le rôle des exercices sportifs et renforçaient le moral. Sur leur base seront élaborées les nouvelles danses et exercices bénéfiques pour la santé et pour l’état psychologique. Le sport équestre, le tir à l’arc, les luttes et l’art de combat, les jeux des peuples des steppes seront modernisés, développés et vulgarisés à grande échelle. Sur cette base seront crées les manifestations culturelles et sportives, capables de s’inscrire dans le cadre des festivals historique et tangristes comme le Festival «Kurultaï» en Hongrie et au Kazakhstan.
L’attirance des pratiques spirituelles augmente si on réalise le caractère ludique de plusieurs rites. 
Johan Huizinga, recteur de l’université de Leyde, dans son célèbre livre Homo ludens : Essai sur la fonction sociale du jeu (1938)  montre que le jeu vivifie toutes les manifestations essentielles de la culture humaine  y compris la religion :
« Les participants au culte sont persuadés que l’action concrétise une certaine félicité et met en œuvre un ordre de choses plus élevé que celui de leur vie habituelle. Néanmoins cette réalisation par le spectacle garde à tous égard les caractéristique formelles du jeu. Elle est jouée, montée dans les limites d’un espace actuellement circonscrit, comme une fête, ce qui signifie dans la joie et la liberté. » (Homo ludens, Gallimard, 1951, p. 36). 
Beaucoup de prêtres tangraïstes (« chamans blancs ») en Yakoutie sont les comédiens de théâtre professionnels ou amateurs. 
« Le caractère « ludique » peut demeurer propre aux actions les plus élevées. Est-il permis de prolonger la série jusqu’à l’action sacrée pour prétendre que le prêtre aussi, dans l’accomplissement de son rituel, demeure un homme qui joue ? … Nous jouerons avec un mot, si nous étendions trop la notion ludique. Il me paraît pourtant que nous ne versons pas dans cet abus en qualifiant de jeu l’action sacrée. Quant à la forme, celle-ci est jeu à tout point de vue, et elle est jeu quant à l’essence, dans la mesure où elle transporte les participants dans un autre univers. »  (Huizinga, p. 43).
Huizinga souligne que le caractère ludique des rites sacrés ne contredit pas à leur solennité :
« Il va de soi que l’attitude spirituelle d’une communauté qui éprouve et accomplit ses rites sacrés, est en première instance celle d’une sainte et intense gravité. Mais répétons-le une fois de plus : l’attitude ludique authentique et spontanée peut être celle du profond sérieux. Le joueur peut s’abandonner au jeu de tout son être. » (p. 46).
L’initiation aux traditions et à la culture de la Grande steppe et aux projets tangristes contemporains doit utiliser les formes ludiques. Ce qui ouvre les possibilités d’organisation de parcs ludiques comme le parc historique français Puy de Fou et les autres.